Immeubles de grande hauteur : « La tour infernale »

Immeubles de grande hauteur : « La tour infernale »

Publié le 28/03/2018

Selon les dispositions de l’article R. 122-2 du Code de la construction et de l’habitation (CCH), constitue un immeuble de grande hauteur (IGH) tout corps de bâtiment dont le plancher bas du dernier niveau est situé, par rapport au niveau de sol le plus haut utilisable pour les engins des services publics de secours et de lutte contre l’incendie, à plus de cinquante mètres pour les immeubles à usage d’habitation.

En l’espèce, le projet dont s’agit prévoyait la réalisation d’un immeuble d’une hauteur totale de 61 mètres et, dans la partie centrale du futur bâtiment, les deux derniers étages habitables (18e et 19e) auraient été occupés par deux appartements en duplex, la partie supérieure de ces duplex (19e étage) étant destinée à accueillir une chambre de 25 m².

Malgré les avis favorables rendus par la commission de sécurité de la ville de Bordeaux mais également par le service départemental d’incendie et de secours, le tribunal administratif de Bordeaux a procédé, par un jugement du 1er décembre 2016 (TA Bordeaux, 2e ch., 1er déc. 2016, n° 1505426), à l’annulation du permis de construire autorisant ledit projet .

Le Conseil d’État a, par la décision commentée, confirmé ce jugement de la juridiction de premier degré.

Dans un premier temps, la haute cour constate qu’il ressort des pièces du dossier que « les deux derniers étages de la construction autorisée par le permis de construire litigieux sont occupés par des appartements en duplex, dont le "plancher bas" du niveau le plus élevé, constituant le 19e étage de l’immeuble, se situe à plus de cinquante mètres au-dessus du niveau du sous-sol le plus haut utilisable pour les engins des services de secours et de lutte contre l’incendie ».

Le Conseil d’État prend également soin de préciser que les dispositions de l’article R. 122-2 du CCH doivent être comprises comme « visant le dernier niveau de l’immeuble, quand bien même celui-ci correspond à la partie supérieure d’un duplex ou d’un triplex ».

Il ressort enfin des termes de l’arrêt dont s’agit que les dispositions de l’arrêté du 31 janvier de 1986 sont indifférentes pour l’application de la règle telle qu’énoncée par la haute cour, sans qu’il y ait lieu de tenir compte de l’article 11 de l’arrêté du 19 juin 2015 modifiant l’arrêté précité .

Cette décision du 6 décembre 2017 vient donc clore définitivement le débat : il n’est plus possible, pour les porteurs de projets, de « jouer » avec la limite des 50 mètres en prévoyant de construire au dernier étage de leurs futurs immeubles des duplex, voire des triplex.

Or nous savons que ce seuil des 50 mètres est, sur le plan de la faisabilité économique, fatidique puisque les contraintes inhérentes à ce dernier (notamment en matière de gestion des risques d’incendie) feront renoncer les porteurs de projets.

Bref nos villes futures seront verticales mais  pas trop.

Et les mots de Bardamu, découvrant New York, resteront encore longtemps pertinents : « Figurez-vous qu’elle était debout leur ville, absolument droite. New York c’est une ville debout. On en avait déjà vu nous des villes bien sûr, et des belles encore, et des ports et des fameux mêmes. Mais chez nous, n’est-ce pas, elles sont couchées les villes, au bord de la mer ou sur les fleuves, elles s’allongent sur le paysage, elles attendent le voyageur, tandis que celle-là l’Américaine, elle ne se pâmait pas, non, elle se tenait bien raide » (Céline L.-F., Voyage au bout de la nuit).

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