Vice de procédure et carte communale : « Il faut sauver le soldat Ryan »
Dans un mouvement général, initié notamment par la jurisprudence Danthony, le Conseil d’État a modifié profondément le rôle du juge administratif qui est passé d’un rôle de censeur à celui de curateur de l’acte administratif.
Les principes fixés par la jurisprudence Danthony sont connus.
Il convient d’abord d’appliquer trois critères : existence d’une garantie pour le citoyen, atteinte à cette garantie par le vice, et effet éventuel sur la décision contestée.
Par ailleurs, et concernant la question de l’atteinte à la garantie et l’effet éventuel sur la décision contestée, il appartient au juge saisi de procéder à une appréciation in concreto.
Ainsi, tout acte administratif, affecté d’un vice de procédure, est susceptible d’être « sauvé » par le juge administratif si l’existence de {plutôt du ?} vice n’a pas privé les intéressés d’une garantie et n’était pas en mesure d’exercer une influence sur le sens de la décision prise.
Enfin il convient de rappeler que la jurisprudence Danthony ne s’applique pas en droit fiscal, pour les études d’impact (CE, 14 oct. 2011, n° 323257, Sté Ocréal : Lebon T., p. 734-966-1028-1033-1108) et pour les enquêtes publiques (CE, 3 juin 2013, n° 345174, Commune de Noisy-le-Grand : Lebon T., p. 640).
Concernant les documents planificateurs en matière d’urbanisme, la jurisprudence Danthony doit être combinée avec les dispositions de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme. Pour mémoire, ces dispositions permettent au juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un schéma de cohérence territoriale, un plan local d’urbanisme ou d’une {plutôt une ?} carte communale, s’il estime qu’une inégalité entachant l’élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d’être régularisée et après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, de surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation.
Au cas d’espèce, le conseil municipal de la commune de Sampy avait approuvé sa carte communale sans que la chambre d’agriculture du Pas-de-Calais et la commission départementale de la consommation des espaces agricoles aient été consultées, en violation des dispositions de l’article L. 124-2 du Code de l’urbanisme.
Par un jugement en première instance, le tribunal administratif de Lille a annulé ladite délibération, ainsi que l’arrêté subséquent du préfet du Pas-de-Calais.
La commune, en cause d’appel, a produit des avis postérieurs de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles et de la chambre d’agriculture du Pas-de-Calais.
La cour administrative d’appel de Douai a rejeté l’appel formé par la commune au motif que ces avis ne permettaient pas de regarder les décisions attaquées comme ayant été régularisées au sens des dispositions de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme.
En l’espèce, la commission départementale de la consommation des espaces agricoles, saisie par la commune postérieurement à la délibération approuvant le projet de carte communale, avait finalement émis un avis favorable. En revanche, tel n’était pas le cas pour l’avis émis, dans les mêmes circonstances, par la chambre d’agriculture du Pas-de-Calais.
Faisant expressément référence à sa jurisprudence Danthony, le Conseil d’État énonce clairement que peuvent faire l’objet d’une régularisation devant le juge les vices de forme ou de procédure affectant un document d’urbanisme qui ne constitue pas une garantie qui {plutôt , dès lors qu’ils ?} ont été sans influence sur le sens de la décision attaquée.
En outre, la haute cour indique que les dispositions de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme s’appliquent aux instances en cours, ces dispositions permettant de laisser un délai à la personne publique pour régulariser une illégalité entachant l’élaboration ou la révision d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme ou d’une carte communale.
C’est ainsi que l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai soumis à la censure du Conseil d’État est annulé.
Il est en outre ordonné un sursis à statuer sur l’appel de la commune de Sampy jusqu’à l’expiration d’un délai de 3 mois, délai pendant lequel la commune est invitée à délibérer à nouveau pour confirmer l’approbation de sa carte communale malgré l’avis défavorable de la chambre d’agriculture du Pas-de-Calais.
La volonté de la haute cour est ainsi claire.
{à insérer à la suite de la phrase précédente plutôt ?} Sous réserve du respect des critères d’application explicités ci-avant, la jurisprudence Danthony et les dispositions de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme doivent être combinés et appliqués pour sauver, autant que faire se peut, les documents planificateurs.
Et le juge administratif de reprendre, à son compte, les mots de Sganarelle : « Ouais ! Serait-ce bien moi qui me tromperais, et serais-je devenu médecin sans m’en être aperçu ? » (Molière, Le médecin malgré lui).
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